Pourquoi le "divorce" intervient-il maintenant entre Kabila et Fatshi ?

19 décembre 2020 à 07h46 - 326 vues

Selon Octave Nasena, professeur de droit à l'université Cardinal Malula et analyste politique, ces derniers mois ont été marqués par une crise persistante entre le gouvernement et le parlement.

"Le président a fait un bilan de son parcours à la tête de l'Etat et il a constaté lui même que c'était un échec. Il a imputé cela au fait que la coalition ne lui a pas prêté main forte et dit avoir connu beaucoup d'obstacles ou qu'on lui a mis des 'peaux de bananes' sur son chemin", explique l'universitaire.

"Le dernier incident en date est que le parlement l'aurait empêché de bien organiser la cérémonie de prestation de serment des membres de la Cour constitutionnelle, notamment la présidente de l'assemblée nationale, le président du Sénat et le Premier ministre ont boycotté la cérémonie et fait défection", rappelle-t-il.

Un épisode qui a cristallisé la fracture entre le CACH et le FCC.

Les membres de la coalition se sont livrés à un bras de fer autour de la nomination de trois juges constitutionnels. Félix Tshisekedi y était favorable, tandis que le camp Kabila s'y opposait afin de garder le contrôle de la Haute Cour. Une institution clé dans l'organisation du scrutin à venir de 2023. Le président est allé à l'encontre de son Premier ministre en nommant ces trois juges.

Le FCC a déjà prévenu qu'il refuse de reconnaitre la nouvelle composition de la Cour, qu'ils jugent inconstitutionnelle, ainsi que toute décision qui pourrait en émaner.

Cette posture, considérée comme un camouflet par le chef de l'Etat congolais l'a conduit à ouvrir des consultations politiques dont l'une des conclusions principales rendues ce dimanche était la scission de l'alliance CACH/FCC.

Qui pourraient être les nouveaux alliés de Tshisekedi ?

D'après Octave Nasena, Félix Tshisekedi dispose de plusieurs options pour reconstituer une majorité.

"Il pourrait s'appuyer sur trois ou quatre plateformes politiques au niveau du Parlement et qui sont acquises en sa faveur comme l'AFDCA (Alliance Des Forces Démocratiques du Congo) du président Modeste Bahati Lukwebo, une plateforme issue de l'ancienne majorité qui a fait dissidence, ou bien sur les composantes de deux poids lourds de la plateforme Lamuka comme Moïse Katumbi ou Jean-Pierre Bemba, cela permettrait à une majorité de se dessiner", estime-t-il.

Mais pour l'analyste Christian Moleka, joint au téléphone, le président Tshisekedi n'a pas tout à fait définitivement tourné le dos à ses anciens alliés.

"Le discours du président est équilibré et lui permet de garder une porte ouverte vers ses partenaires du FCC. Parce qu'en prenant la décision de désigner un informateur, le président se donne du temps et la possibilité de continuer à mener les tractations avec ses autres partenaires dans la logique d'une reconduction de cette même majorité sous une autre forme. Donc c'est une perche qui est lancée", dit-il.

Quelles conséquences sur l'échiquier politique ?

"Fatshi (NDLR Félix Tshisekedi) est en train de jouer sur toutes les cartes pour être le seul à gouverner le navire Congo parce qu'il le partageait avec Kabila. Ce dernier étant en train d'être mis en minorité au sein de son FCC, Tshisekedi est en train de rassembler toutes les forces socio-politique pour consolider son pouvoir avant la fin de son mandat", juge Octave Nasena.

Cette "reprise en main" du président vient troubler le jeu politique.

"Le président n' a pas pris la décision de révoquer [le Premier ministre] mais il l'invite tacitement à démissionner", pour Christian Moleka .

"Si le parti présidentiel reste dans son approche légaliste et règlementaire en disant que 'nous avons une majorité constituée au sein de ce Parlement, constatée au début de la législature et que nous allons redonner la confiance au Premier ministre', nous irons tout droit vers un nouvelle crise qui prendrait la forme de celle de 1960 où le président Kasavubu a révoqué un Premier ministre qui a été reconduit par l'Assemblée", dit-il.

Commentaires(0)

Connectez-vous pour commenter cet article