Lumumba, victime des ratés de l'indépendance

16 janvier 2021 à 07h15 - 1519 vues

À Léopoldville, l'actuelle Kinshasa, le tout jeune Premier ministre de 35 ans avait forcé les portes de l'Histoire en remportant les premières élections démocratiques jamais organisées à la veille de l'indépendance du Congo belge. Patrice Emery Lumumba né Élias Okit'Asombo (son nom signifie héritier maudit, NDLR) le 2 juillet 1925 à Onalowa, dans la région de Katako Kombe, au nord du Kasaï, entre donc dans la légende ce 30 juin 1960 avec son discours contre le racisme des colons en présence du roi des Belges Baudouin pendant la cérémonie officielle marquant la naissance du Congo : « Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des Nègres. » Formé chez les frères maristes de Stanleyville, Lumumba prend conscience du nationalisme africain lors de sa participation, en décembre 1958, à la conférence des États africains indépendants d'Accra, au Ghana, où il rencontre des leaders tels Kwame Nkrumah et Sekou Touré.

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En répondant au monarque qui venait de saluer l'œuvre colonisatrice de son ancêtre, Léopold II, un « civilisateur » et non un « conquérant » selon lui, le Premier ministre du président Joseph Kasa-Vubu était déjà bien imprégné par les méthodes radicales employées ailleurs sur le continent. Avait-il surestimé les rapports de force en cours ? Une chose est sûre, il n'en fallait pas plus pour que les Occidentaux se méfient du jeune dirigeant nationaliste qui aggrave son cas à leurs yeux en cherchant l'appui des Soviétiques. Pour neutraliser le fondateur du Mouvement national congolais (MNC), d'inspiration socialiste et panafricaniste, les Belges et la CIA jouent sur les ambitions des autres leaders congolais, dont le jeune chef d'état-major Joseph-Désiré Mobutu, futur maître absolu du pays entre 1965 et 1997. Renversé en septembre, Lumumba est livré pour son exécution aux autorités du Katanga, qui avait fait sécession du Congo dès juillet 1960, avec le soutien de la Belgique. Son corps, dissous dans l'acide, n'a jamais été retrouvé.

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Un héritage encore méconnu

Que reste-t-il aujourd'hui du héros anticolonialiste dans la mémoire des Congolais ? « Lumumba devint en un rien de temps un martyr de la décolonisation, un héros pour tous les opprimés de la Terre, un saint du communisme sans dieu », résume David van Reybrouck dans son ouvrage Congo, une histoire. « Ce statut, il le devait plus à l'horrible fin de sa vie qu'à ses succès politiques », avec seulement deux mois et demi au pouvoir, nuance l'auteur belge de référence sur l'histoire du Congo. « Avant, on disait que c'étaient les Congolais, et plus spécialement les Katangais, qui l'avaient tué. Mais les archives ont parlé : ce sont des Belges qui ont planifié la mort de Lumumba et qui l'ont fait exécuter », insiste l'historien Guillaume Nkongolo. L'universitaire montre l'endroit précis de l'exécution sur le site de Shilatembo : au pied d'un arbre, et non là où se trouve la statue, d'après ses recherches.

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